HAKEM BACHIR : LES ÉTABLISSEMENT SCOLAIRES SONT-ILS PRÊTS A ACCUEILLIR 10 MILLIONS D’ÉLÈVES DANS LES MEILLEURES CONDITIONS AFIN D’ÉVITER TOUTES CONTAMINATIONS
Après les résultats du baccalauréat annoncés ce 14 octobre 2020, place maintenant à la rentrée scolaire 2020-2021. La rentrée scolaire a enfin été fixée, après sept (07) mois d’interruption due au covid_19, cependant la pandémie n’a toujours pas disparu. La santé, la sécurité et le bien-être des élèves et du personnel demeurent la priorité de tout gouvernement. Cette reprise tardive n’est pas due uniquement à la pandémie, mais aussi au report des examens de la fin de l’année scolaire 2019-2020. Elle se fera en deux étapes le 21 octobre 2020, celle des élèves du primaire et le 04 novembre 2020 celle des deux cycles, moyen et secondaire. Notre école fait partie notre vie quotidienne, elle ne peut être tenue à l’écart. Toute la société algérienne est concernée de près. Il est vrai qu’en ce mois d’octobre, elle ne peut reprendre comme avant. Au plan sanitaire, le virus n’a pas disparu et il impose une rentrée sous surveillance.
Au plan scolaire, la fin de l’année et les vacances n’ont pas permis de rattraper le retard pris et de combler les inégalités entre les élèves. C’est pourquoi, dans ce contexte, qui reste marqué du sceau de l’instabilité et d’une crainte permanente d’une nouvelle vague épidémique qui n’épargne pas l’école, trois axes nous apparaissent essentiels et nécessaires pour réussir la rentrée et au-delà, l’année scolaire à venir :
1) aider les familles et les élèves en difficulté
2) donner à l’école les moyens de réussir sa mission (sanitaire, organisationnels, logistiques, humains…).
3) répartir et réaménager les programmes.
Toutes les précautions doivent être prises et nous devons tenir compte de l’expérience des pays qui ont appliqué un protocole sanitaire strict. En France, par exemple après un mois depuis la rentrée scolaire, le bilan est un peu alarmant :
- 27 structures scolaires fermées depuis la rentrée scolaire dont 22 écoles, 3 collèges et 2 lycées
- 293 classes sont fermées soit 0,06 %.
- 2 063 enseignants contaminés soit 0,18 %.
- 8 223 élèves sont malades soit 0,07 %
Pour cette année scolaire 2020-2021, les enseignants auront une responsabilité énorme et savent que tout repose sur leurs épaules pour sauver l’école.
Le problème essentiel auquel ils seront confrontés dès la rentrée est de savoir quels moyens seront mis à leur disposition, d’abord pour éviter toutes contaminations et dans quel état psychologique sont leurs élèves après 07 mois de rupture avec l’école. Eux-mêmes éprouveront certaines difficultés pour reprendre le rythme scolaire. Ils devront dès le début prendre en charge leurs élèves sur deux points : psychologique vis-à-vis de la rupture et de la présence de la pandémie, ainsi que celui du retard de scolarité de tous les élèves à chaque niveau. La tâche ne sera pas facile surtout que le temps leur manque, car remettre les élèves sur les rails de la scolarité n’est pas une mince affaire après plus de 07 mois de rupture. Le risque de déscolarisations et de décrochages dès le début de cette année scolaire est grand s’il n’y a pas de prise en charge psychologique et d’accompagnement des élèves de la part des enseignants, des parents et des conseillers.
En dehors de l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, qui doit être imminente, il convient d’atténuer plus avant le coût de la rentrée pour les familles et de bien préparer les enfants à leur retour en classe. Le gouvernement doit supporter financièrement le coût, car les établissements scolaires n’ont pas les moyens pour cela. Les masques doivent être gratuits pour les élèves. Au moins 10 millions de masques par jour doivent être à la disposition des élèves. L’état, pourrait-il ou aurait-il les moyens de mettre à la disposition des élèves ces masques quotidiennement durant toute l’année scolaire. La question restera posée. Et ce problème ne se poserait pas si on n’avait pas démantelé les lycées techniques, car on pouvait à l’intérieur de ces établissements créer des ateliers de production de masques.
Pourra-t-on appliquer le protocole sanitaire en Algérie à l’école ?
Pour le port du masque obligatoire à l’intérieur de l’établissement.
L’état ne pourra certainement pas mettre à la disposition des élèves (10 millions d’élèves) des masques durant toute l’année, et tous les parents n’auront pas aussi les moyens de protéger leurs enfants tous les jours de scolarité.
Donc si l’on applique strictement le protocole sanitaire, les enseignants n’accepteront certainement pas en classe les élèves sans masques. Donc le port du masque à l’intérieur de l’établissement posera un problème essentiel dans l’application du protocole et de la scolarité des élèves. Nous assisterons certainement à des oublis volontaires ou involontaires de cette protection, au refus de le porter pour différentes raisons (Problèmes respiratoires, manque de moyens. Défis, …). L’exigence du port du masque à l’intérieur de l’établissement posera un grand problème disciplinaire plus difficile à régler que celui du livre scolaire obligatoire en classe. Si pour le livre les enseignants ont pu trouver la solution d’un livre par table pour deux élèves, pour le masque cette solution est impossible. Comment allons-nous résoudre ce problème ? La solution anti-sanitaire est de ne pas obliger les élèves à le porter à l’intérieur de l’établissement, mais d’arriver à le convaincre scientifiquement de l’intérêt de son port. Nous savons qu’il est impossible à l’état de distribuer plus de 10 millions de masques aux élèves quotidiennement pendant toute l’année. Pour limiter le problème disciplinaire en rapport avec ce point du protocole, il est clair que ces masques doivent être à la disposition chaque matin au niveau de l’établissement. Ce problème pourra être réglé si les parents d’élèves qui ont les moyens pour la protection de leurs enfants participent à la mise à la disposition de ces masques au niveau de chaque établissement. Nous pouvons estimer que 50 % des parents d’un établissement pourront mettre à la disposition de leurs enfants des masques quotidiennement et 10 % de ces parents ont les moyens pour aider certainement les élèves dans le besoin d’avoir à leurs dispositions des masques dans l’école. Cette rentrée ne pourra être une réussite sur le point sanitaire que s’il y a solidarité en tous : parents d’élèves, enseignants, élèves, administration et société civile. La résolution du port du masque n’est pas qu’une solution de civisme sanitaire, mais aussi de solidarité pour éviter toute contamination à l’intérieur des établissements. Nous savons tous qu’en Algérie, même pendant le soi-disant confinement, l’obligation du port du masque n’a jamais été appliqué alors comment pouvons-nous le respecter à l’intérieur de l’établissement ? L’application du port du masque et du protocole sanitaire convenablement à l’intérieur de l’établissement nécessite d’abord :
- La disposition des masques à l’intérieur de l’établissement pour ceux qui n’en ont pas les moyens de les acquérir ou à ceux qui les auront oubliés.
- Conviction du grand risque de contamination dans les lieux clos.
- Le respect de la discipline scolaire.
- La participation des parents d’élèves et de toute la société à faire respecter ce protocole.
- La distanciation.
Mais le protocole de distanciation ne pourra pas être respecté même si on voudrait le faire. Les élèves, les parents et la société algérienne n’a jamais tenu compte de ce protocole sanitaire, depuis le début de l’apparition du virus. Plus de 80 % de la population algérienne vit dans des logements exigus ou le protocole de distanciation est impossible à appliquer alors comment le respecter à l’intérieur de l’établissement. Pour la classe, aussi, son application n’est pas possible, car dans les lycées, par exemple, où l’on observe des classes à plus de 50 élèves dues à un manque de locaux et d’enseignants, nous ne pouvons pas diviser ces classes en deux groupes et assurer le même volume horaire ainsi que le même programme scolaire. Là, aussi, le protocole ne pourra pas être respecté à 100 %. Il ne faut pas oublier que ces élèves ont toujours été ensemble et le protocole de distanciation est un phénomène étranger pour eux donc non-applicable.
Pour le nettoyage et l’hygiène à l’intérieur de l’établissement.
L’hygiène l’école, la propreté des locaux reflètent l’image de marque de l’établissement, participent à la satisfaction des salariés, et contribuent à la qualité de l’accueil et du travail. Le nettoyage et la désinfection de l’établissement scolaire (salles de classes et aires communes) devront être réalisés en insistant sur la désinfection, plusieurs fois par jour, des zones fréquemment touchées (rampes d’escalier, poignées de portes, interrupteurs, bureaux de travail, équipements informatiques, robinets) avec les produits désinfectants habituels. Les objets qui sont partagés par plusieurs élèves pourraient être nettoyés entre chaque utilisation s’il est raisonnable de le faire. Les objets personnels qui ne sont pas partagés devraient être gardés dans un panier réservé à l’élève. Les bonnes pratiques d’hygiène doivent donc être régulièrement rappelées dans l’établissement scolaire par le responsable et dans la classe par l’enseignant. Les règles de nettoyage dans l’établissement doivent être rappelées par le responsable à savoir.
Tous les produits d’entretien doivent être stockés hors de la portée des enfants.
Les sanitaires doivent être maintenus en parfait état de propreté et régulièrement désinfectés. Il convient également de nettoyer les robinets, poignées de portes, tirettes des chasses d’eau qui sont particulièrement des « Supports » de germes dont la transmission est ainsi facilitée. Il s’agit non seulement de prévenir la transmission des maladies digestives, telles que les gastro-entérites saisonnières ou les grippes, mais aussi de maintenir un accès propre et sécurisant. Cela permet ainsi d’éviter que certains enfants refusent de se rendre aux toilettes de leur école, se « retenant » jusqu’au soir. En plus de l’inconfort qu’ils subissent, certains d’entre eux développent des pathologies urinaires pouvant perdurer à l’âge adulte, constatation cliniquement vérifiée. Dans le même registre, la circulation des enfants pour se rendre aux toilettes, même si elle ne peut être libre pour des raisons de sécurité, doit pouvoir être organisée de façon à permettre à chaque enfant de s’y rendre aussi souvent que nécessaire.
Chez nous, nous sommes très loin de ces protocoles d’hygiène et cela est dû à plusieurs facteurs (propreté individuelle, compétences, responsabilité, conscience, …).
Mais toutes ces règles, pour les appliquer demandent un nombre suffisant d’agents consciencieux et un suivi régulier des responsables.
En Algérie, aucun responsable ne s’est penché sur ce problème et les évite même d’aller vers les sanitaires vu la saleté dans laquelle ils se trouvent et le manque d’eau pour se laver.
Le problème du nettoyage et de l’hygiène à l’intérieur des établissements scolaire a toujours été un problème majeur pour les élèves, les enseignants, l’administration et des agents responsables du nettoyage eux-mêmes. Depuis, longtemps les établissements se sont plaints du manque d’agents de nettoyage. Nous assistons aujourd’hui, à des tâches impossibles à faire pour les agents de nettoyage.
Peut-être que la pandémie va-t-elle enfin remédier au problème d’hygiène et que l’état va mettre plus de moyens à la disposition des établissements. Nous espérons que chaque établissement disposera de suffisamment d’agents de nettoyage, d’une disponibilité d’eau courante, et de moyens de nettoyage et de protection (gel, savon, gel hydro alcoolique,..) et appliquera à la lettre tous les protocoles de nettoyage.
Nous n’avons plus le temps pour prévenir tout manquement aux règles de nettoyage et d’hygiène dans les établissements, qui seront certes plus faciles à mettre en place que celle du port obligatoire du masque ou de la distanciation. Ce point est le deuxième point essentiel pour éviter la contamination.
La rentrée se fera tardivement et ne sera pas facile, vu la difficulté à appliquer le protocole sanitaire. Il ne faut plus privilégier le côté économique sur le sanitaire. Le problème de cette rentrée sera comment réagiront les responsables devant le non-respect des règles du protocole tel celui du port du masque et de la distanciation. Pour ce qui est de l’hygiène à l’intérieur, il est de la responsabilité et du ressort du ministère qui devra donner tous les moyens nécessaires aux établissements pour le nettoyage à l’intérieur. La responsabilité pour réussir cette rentrée est partagée par tous. Les structures actuelles sont insuffisantes en tant qu’infrastructures ou personnels pour appliquer la distanciation pédagogique en organisant l’accueil dans des salles de moins de 25 élèves, tout en respectant les programmes annuels et les volumes horaires de chaque enseignant. Nous savons que nous ne pouvons pas multiplier par deux le nombre de locaux et d’enseignants pour pouvoir assurer la scolarité des élèves en groupe de moins de 25 élèves. La méthode présentielle des élèves à 50 %, serait possible si le pays était assez développé au niveau des réseaux internet et si tous les élèves disposaient tous de moyens de connexion gratuite. Cela aurait permis à 50 % d’une classe de suivre le même cours à distance, pendant que les autres 50 % assistent à celui-ci en classe. Cette méthode aurait était la meilleure, car seulement 50 % des élèves se présenteraient chaque jour dans les établissements scolaires pendant que les autres 50 % suivaient les cours chez eux. Donc nous sommes condamnés à réussir notre rentrée scolaire avec nos moyens réels en débloquant un budget plus conséquent à l’éducation pouvant accompagner le protocole sanitaire. La fonction publique a un rôle essentiel pour ne pas mettre les bâtons dans les roues pour le recrutement, car on est dans l’urgence pour assurer l’encadrement de tous les élèves dans des groupes de moins de 25 élèves. Le virus continuera de circuler et la fermeture des établissements n’est pas la solution. Nous devons pour les établissements mettre tous les moyens financiers pour faciliter la scolarisation de tous les élèves. Nous n’avons pas le droit de sacrifier la « génération covid ».
La rentrée ne peut réussir sans un minimum de décisions :
- Recrutement massif d’enseignants, d’agents, femmes de nettoyage d’adjoints d’éducation.
- Dégager un budget
- Solidarité de toute la société pour la scolarisation des élèves.
- Prise en charge des enfants de parents démunis financièrement ou par l’ouverture d’internat ou d’établissements privés (hôtels touristiques) pour les accueillir tout en appliquant le protocole sanitaire
- Utilisation d’autres structures pour accompagner la scolarité des élèves (salles de conférence dans les établissements non-scolaires, salle pouvant accueillir des classes d’élève de 25 élèves dans des établissements privés non-scolaires…).
Nous ne pouvons plus réfléchir sur le budget de l’éducation pour qu’il soit le premier au niveau national. Le temps d’investir en l’homme est le seul moyen de conduire une nation vers le développement et de relever tous les défis du 21ème siècle. La covid_19, a réveillé tous les pays qui n’ont pas assez investi en l’homme de se voir menacer de disparition et d’être tributaire de la découverte de vaccin ou de médicaments. L’homme reste le capital le plus précieux pour une nation. Nous ne pouvons que nous indigner du peu d’attention et de ressources réservées au développement du potentiel intellectuel de la nation et il est légitime de s’inquiéter du nombre de techniciens formés dans les pays voisins ou des systèmes rivaux surtout avec le démantèlement de l’enseignement technique. Le coût de l’investissement en l’homme ne doit plus être calculé et l’éducation est la colonne vertébrale de toute nation qui aspire au développement et à l’existence. En investissant en l’homme nous combattrons la nouvelle colonisation, car il faut le dire qu’après 58 ans depuis notre indépendance, nous ne retrouvons toujours pas totalement libre et notre avenir dépendra des découvertes des autres nations.
HAKEM BACHIR